Barillet (clarinette)

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Réglage de l'accord sur une clarinette

Le barillet (ou autrefois canon[1]) est un élément important de la clarinette ayant un impact sur la justesse et le timbre. Il sert au clarinettiste pour accorder l'instrument. Il est généralement réalisé dans le même matériau (essence de bois, ébonite...) que le reste de l'instrument et est cerclé de deux viroles en métal à ses extrémités pour éviter les fentes.

Il se fixe par emboîtement dans les tenons du bec et du corps du haut de la clarinette. Sa perce est généralement cylindrique du même diamètre que le corps du haut; néanmoins certains barillets possèdent une perce conique, conique inversée ou polycylindrique suivant le modèle de clarinette.

Dans l'absolu, un barillet n'est pas interchangeable d'un modèle de clarinette à un autre[2].

« Un baril de section plus grande que celle de la perce fera baisser le chalumeau et monter certaines notes du clairon. »

— Ernest Ferron, Clarinette, mon amie[3]

Il est possible également de faire retoucher la perce auprès d'un artisan spécialisé[note 1].

Histoire[modifier | modifier le code]

Bec et barillet d'un seul tenant en buis (1750–1770).

À l'origine de la clarinette et jusque dans les années 1770-1775, voire plus tard, le bec et le barillet étaient d'un seul tenant, souvent en buis.

« A. Rice[4] pense que c’est vers 1770-75 que l’on commence à les séparer, mais certains en font encore en 1785 (comme Hale[5] cf. Collection Schakleton[6] à Edimbourg). »

— José-Daniel Touroude[7]

Le bec en buis est remplacé progressivement par un bec en ébène, plus facile à accorder et moins sujet aux variations hydrothermiques (humidité...).

« Quelques années plus tard, le bec va se désolidariser du barillet et s’élargir avec une fenêtre plus large, une table plus longue et large, des stries plus basses…) ; le plus souvent le bec sera en ébène car plus solide et stable que le buis, plus pratique aussi pour s’accorder. Cette séparation du bec permet d’éviter les fentes dans le haut du corps du haut, là où les changements thermiques et hygrométriques sont les plus brusques. Rappelons aussi que l’on jouait à l’envers à l’époque en France, l’anche posée sous la lèvre supérieure. A cette époque dans les années 1770, les clarinettistes utilisaient le barillet pour s’accorder au diapason mouvant selon les orchestres, l'accord se faisait sans arrêt en tirant un peu à la jonction inférieure du barillet où le tenon est bien souvent plus robuste et plus largement proportionné que le tenon du bec. »

— José-Daniel Touroude[7]

Pour des facilités de tournage, le corps de l'instrument est divisé en plusieurs éléments : corps du haut intégrant ou non le barillet, corps du bas, pavillon, corps de rechange...

Clarinette d'orchestre avec barillet et corps de rechange démontés, en si bémol et la, August Grenser (Dresde, ca. 1790)

Les collections de clarinettes anciennes montrent la présence de barillet dès la fin du XVIIIe siècle mais son usage reste cantonné aux modèles d'orchestre. Jean-Xavier Lefèvre le présente dans sa Méthode de clarinette (Paris, 1802)[1].

Clarinette « Buffet & Cie » sans barillet (ca. 1860).

Plus tard au XIXe siècle, les corps de clarinettes sont tournés en une seule pièce en intégrant le barillet au corps du haut. Cette configuration est moins sensible aux fissures mais n'est plus fabriquée de nos jours.

Le principal inconvénient du barillet est d'accumuler de l'humidité dans le joint d'emboitement avec le corps du haut, génératrice de fentes[note 2].

À partir de 1844, le clarinettiste Hyacinthe Klosé, professeur au conservatoire de Paris, fait généraliser l'emploi du barillet au travers de sa méthode dédiée au nouveau système Boehm et aussi à la clarinette à treize clefs [8],[9].

Barillet et tenons renforcés avec liège (bec, corps) d'une clarinette moderne.

Autrefois, l'étanchéité de l'emboîtement avec le tenon était assurée par un enroulement de fil maintenu par de la cire sur le tenon; désormais le tenon est équipé d'un liège naturel ou synthétique[10].

Les clarinettes modernes sont généralement livrées avec deux barillets interchangeables pour permettre de jouer avec le diapason du la3 à 440 Hz (barillet long) et à 442 Hz (barillet court). L'écart de longueur entre ces barillets est de l'ordre d'un millimètre sur une longueur typique de 65 mm.

Certains modèles de bec non standards nécessite de reprendre la longueur du barillet pour conserver le diapason.

Accordage[modifier | modifier le code]

« En toute rigueur, la clarinette (comme les autres instruments à trous latéraux : flûte, hautbois, saxophone, basson) ne s'accorde pas, elle doit être jouée dans le diapason où on l'a construite. »

— Ernest Ferron[2]

Pour réaliser l'accord au diapason de l'orchestre, le clarinettiste tire petit à petit sur le barillet pour créer un espace avec le corps du haut ou avec le bec afin d'allonger la colonne d'air (et abaisser le diapason), sinon il doit opter pour un barillet plus court (pour monter le diapason). Après avoir « chauffé » l'instrument ou pendant un concert, son diapason monte nécessitant d'ajuster l'accord ; au contraire après une pause, la hauteur de l'instrument descend. Dans certains cas, il peut s'avérer nécessaire de créer un léger espace entre le corps du haut et du corps du bas de la clarinette pour conserver une homogénéité de justesse dans les différents registres.

Certains modèles de clarinette en si bémol et en la permettent de conserver le même barillet « chauffé » avec le bec monté facilitant la manipulation du clarinettiste d'orchestre amené à changer de clarinette au cours d'un même morceau.

Il existe également des barillets réglables (ou téléscopiques[11] ou à pompe) permettant d'accorder l'instrument au moyen d'une molette. Leur emploi reste assez confidentiel, essentiellement pour les musiciens de scène ayant besoin d'accorder leur instrument « à la volée ».

Le barillet se situant sur le trajet de la colonne d'air entre l'excitateur et le premier trou débouché, toute modification des caractéristiques de sa perce (forme, état de surface, longueur ...) influence le son produit par la clarinette.

Sur les grandes clarinettes (clarinette basse...), le bocal remplace le barillet.

Les clarinettes soprano de chez Buffet-Crampon sont souvent accordées trop hautes par rapport au diapason (ensemble de clarinettes, orchestre d'harmonie, orchestre symphonique...).

Bague d'accord[modifier | modifier le code]

Il existe des bagues d'accord (qui ressemblent à des rondelles plates), de différentes épaisseurs, qui s'enfilent dans le tenon (entre le barillet et le corps du haut, entre le corps du haut et le corps du bas...) et qui permettent de maîtriser l'accordage tout en renforçant mécaniquement l'emboîtement.

Esthétique[modifier | modifier le code]

Mopane, Cordia, Mopane et Cocobolo.
La marque Colorature s'est spécialisée dans la fabrication de barillets, pavillons et instruments en bois exotiques : mopane, cordia, guaiacum et cocobolo.

Changer de barillet peut constituer un choix esthétique permettant au clarinettiste de différencier son instrument (autre matériau / essence de bois, finition, forme extérieure, choix ou absence de bagues ...), et cela peut affecter le diapason et l'homogénéité de justesse de la clarinette, en positif comme en négatif. Certains bois possèdent des vertus acoustiques particulières et peuvent s'avérer intéressants pour remplacer le bois du barillet d'origine (souvent en grenadille du Mozambique ou en matériau composite). Ces bois pourraient apporter une meilleure intonation et corriger les problèmes de voile de certaines notes, en sus d'un velouté apporté au timbre ; ce serait notamment le cas du cocobolo ou du mopane, qui font l'objet d'une utilisation courante chez divers fabricants (Buffet Crampon, Backun, Colorature).

Traditionnellement, les barillets des clarinettes françaises (système Boehm) sont bombés à l'extérieur; ceux des clarinettes anglaises sont creusés[12].

Galerie[modifier | modifier le code]

Cas des flûtes traversières[modifier | modifier le code]

Flûte traversière en si avec barillet, fin XIXe siècle.

Des facteurs anciens comme Jean-Louis Tulou[13], Clair II Godfroy[14] ont fabriqué des flûtes en bois en quatre ou cinq parties, incluant un barillet d'accord démontable entre la tête et le corps percé de trous latéraux (ou les corps interchangeables).

Certains de ces modèles de flûte à barillet continuent à être copiés de nos jours[15].

Il a existé des piccolos avec un barillet en ivoire.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Ernest Ferron, Clarinette, mon amie, International Musique Diffusion, , 112 p. (OCLC 464203681), p. 24-26. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le facteur et réparateur Hans Moennig à Philadelphie était spécialisé dans la retouche des barillets et des becs. Il a notamment travaillé dans les années 1970 avec la maison Buffet-Crampon sur un barillet dont la perce est à cône inversé pour le modèle R13. La perce des barillets à cône inversé est plus large à l'extrémité du côté du bec. La perce des barillets Moennig tels que fabriqués par Buffet mesure 15 mm de diamètre côté bec et se réduit à environ 14,7 mm côté corps du haut. La réduction assez importante de la perce a plusieurs effets positifs: Le troisième mode harmonique n'est pas aussi aigu et les douzièmes proches du bec sont moins sonores; Les notes de gorge (haut du chalumeau) apparaissent plus nettes et mieux mises en valeur; L'étranglement créé au niveau de la perce ajoute une résistance qui modifie le timbre.
  2. Le barillet doit être démonté systématiquement après avoir fini de jouer l'instrument et l'emboîtement doit être séché.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Jean-Xavier Lefèvre, Méthode de clarinette : adoptée par le Conservatoire pour servir à l'étude dans cet établissement / par X. Le Fevre membre du Conservatoire de musique et première clarinette de l'Opéra, Paris, Imprimerie du Conservatoire de Paris, an xi [1802], 144 p. (BNF 44338525, lire en ligne), p. 1 & planche 1ère.
  2. a et b Ferron 1994, p. 25.
  3. Ferron 1994, p. 24-25.
  4. (en) Albert R. Rice, The Baroque Clarinet, New York, Oxford University Press, coll. « Early music series » (no 13), , 197 p. (ISBN 0-19-816188-3, OCLC 22118175, lire en ligne).
  5. (en) « Clarinet in C by Jon Hale (ca. 1790) », sur metmuseum.org (consulté le ).
  6. (en) « Sir Nicholas Shackleton Collection », sur collections.ed.ac.uk (consulté le ).
  7. a et b José-Daniel Touroude, « Découverte d’une clarinette rare de J.G. GEIST facteur en France sous Louis XV. », sur rp-archivesmusiquefacteurs.blogspot.com, (consulté le ).
  8. Hyacinthe Klosé, Méthode pour l'enseignement de la clarinette à anneaux mobiles et de celle à 13 clefs : dédié à M. Carafa, J. Meisonnier, .
  9. Jean-Luc Matte, « Méthode pour servir à l'enseignement de la CLARINETTE à anneaux mobiles, et de celle à 13 clefs », sur jeanluc.matte.free.fr, (consulté le ).
  10. Philippe Bolton, « L'entretien des joints d'une flûte à bec - Les joints en fil », sur flute-a-bec.com (consulté le ).
  11. « Brevet de barillet par Robert SIOUR en 1928 », sur clariboles-et-cie.blogspot.com, (consulté le ).
  12. José-Daniel Touroude, « Analyse des spécificités de la facture des clarinettes anglaises de la première moitié du XIXème siècle », sur rp-archivesmusiquefacteurs.blogspot.com, (consulté le ).
  13. « Musée des instruments de musique (L'Aigle) - Flûte traversière "Tulou" Jean-Louis Tulou », sur mimo-international.com (consulté le ). Description de l'instrument : Palissandre teinté. 5 parties: Tête, barillet, 2 corps et patte. 6 trous de jeu alignés. 9 clefs, un rouleau sur la dernière touche de clef grave.
  14. « Essai de datation des flûtes de Clair II GODFROY (1774-1841), première et deuxième périodes (1814-1829) », sur rp-archivesmusiquefacteurs.blogspot.com, (consulté le ).
  15. « Jean-Louis Tulou. Reproduction de flûtes romantiques en « Tulou », en bois d’ébène ou en grenadille (cocuswood), avec barillet d’accord à 5, 6 ou 8 clés avec patte de ré ou patte d’ut », sur clairesoubeyran.com, (consulté le ).

Article connexe[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]